Détresse psychologique maternelle et impact sur les enfants - Fondation de la recherche pédiatrique
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Détresse psychologique maternelle : trajectoires de soins et impact sur les enfants

Une récente revue des causes initiales des décès maternels1 basées sur les données hospitalières au Canada a permis d’identifier le suicide comme la plus importante cause spécifique directe de décès maternels2 jusqu’à un an postpartum, avec un ratio de mortalité maternel (RMM) de 0,68 par 100 000 naissances vivantes. Cette cause surpasse ainsi d’autres causes spécifiques directes telles que le sepsis puerpéral (RMM=0,63) ou les troubles hypertensifs de grossesse incluant la prééclampsie (RMM=0,47).1 Par ailleurs, la détresse psychologique maternelle a été associée à des issues défavorables telles que naissances prématurées, mortinaissances, petit poids pour l’âge gestationnel, prééclampsie, et aux accouchements par césarienne ou instrumentalisés.3-5 Un éditorial du journal de la Société des Obstétriciens et Gynécologues du Canada a aussi récemment mis l’emphase sur l’importance et l’urgence de répondre à la problématique des troubles de santé mentale en périnatalité.6 Pour être en mesure de répondre adéquatement et efficacement à la problématique du suicide maternel, nous avons urgemment besoin de données permettant de mieux comprendre les trajectoires des femmes présentant une détresse psychologique en cours de grossesse ou en postpartum. Il est aussi nécessaire de mieux comprendre les impacts de la détresse psychologique maternelle sur leurs enfants.

Le projet proposé a pour objectifs de :

  1. Estimer la fréquence de la détresse psychologique et de la suicidalité au cours de la grossesse et à 6 mois postpartum
  2. Estimer l’association entre la détresse psychologique et la suicidalité en grossesse et les issues de santé maternelle périnatale (mortalité et morbidité maternelle sévère jusqu’à 3 mois postnatal)
  3. Estimer l’association entre la détresse psychologique et la suicidalité maternelle en grossesse et les issues fœtales et néonatales
  4. Identifier les facteurs associés à la détresse psychologique et la suicidalité maternelle en grossesse et à 6 mois postpartum ainsi qu’estimer les fractions attribuables de manière à identifier les facteurs ayant le plus grand potentiel préventif

Cette étude longitudinale sera basée sur les données d’une vaste cohorte dont le recrutement a été entamé en janvier 2023. La cohorte inclut les femmes nullipares, avec grossesse monofœtale, résidant dans la grande région de Québec, recrutées au cours de leur 1er trimestre de grossesse (11-14 semaines d’aménorrhée). Les participantes dont le cœur fœtal est négatif à l’échographie initiale sont exclues.

Après une revue de la littérature sur les mesure de la suicidalité,7,8 celle-ci sera estimée en se basant sur l’item 10 du questionnaire Edinburgh Postnatal Depression Scale (EPDS). La détresse psychologique maternelle sera définie selon les seuils reconnus des outils d’évaluation utilisés.9,10 Nous mettrons aussi en place une offre de suivi en santé mentale pour toutes les participantes qui présenteront un risque suicidaire accru.

Parmi les facteurs potentiellement associés 8,11,12 considérés, nous mesurerons le statut socioéconomique, la violence conjugale, les trauma/abus dans l’enfance, le support social, les antécédents de troubles de santé mentale, les antécédents d’avortement, le sommeil.

En plus de calculer la fréquence relative de la détresse psychologique et de la suicidalité maternelle en grossesse et à 6 mois postpartum, nous mènerons une analyse des associations ces expositions en cours de grossesse et les issues de santé de la mère (mortalité toute cause, mortalité par suicide, mortalité par surdose, hospitalisation pour diagnostic en santé mentale, morbidité maternelle sévère, mode d’accouchement).

Les associations entre la détresse psychologique maternelle, la suicidalité et les issues de santé de l’enfant seront aussi évaluées. Nous considérerons la mortalité fœtale et néonatale, les admissions en unité de soins intensifs néonatale, la prématurité, la petit poids pour l’âge gestationnel, les anomalies congénitales, les issues néonatale défavorables mineures.

L’historique de diagnostics de troubles de santé mentale, les traitements pharmacologiques (initié avant la grossesse, débuté en grossesse ou cessé en grossesse; modélisés comme variables changeant avec le temps) seront pris en compte dans les analyses. Nous évaluerons leur potentiel effet modifiant sur la relation entre détresse ou suicidalité et les issues d’intérêt.

Une ébauche de graphe acyclique orienté (en anglais Directed Acyclic Graph ou DAG) guidera les analyses. Les analyses seront réalisées avec SAS 9.4 (SAS Institute Inc., Cary, NC, USA, 2016). Une erreur de type II de 5% sera acceptée.

ORIGINALITÉ DU PROJET 

L’urgence de mieux comprendre la problématique de la santé mentale des mères a récemment été mise en lumière6 et le nombre de chercheurs qui se sont penchés sur le sujet de la suicidalité maternelle et son impact chez les enfants est encore très limité. Le projet visera donc à développer l’expertise de la chercheure principale dans ce champ de recherche. Grâce au devis longitudinal prospectif, nous disposerons aussi de données de qualité et exhaustives permettant d’apprécier l’impact de la détresse psychologique maternelle sur la santé des mères et des nouveau-nés.

IMPACT POTENTIEL SUR LA SANTÉ DES ENFANTS 

Cette étude permettra de caractériser la problématique de la détresse psychologique maternelle en prenant en compte le contexte, l’état de santé au moment de la conception et en début de grossesse, et en développant une perspective longitudinale par un suivi prospectif en grossesse et jusqu’à 6 mois après l’accouchement/la naissance. Nous obtiendrons ainsi un portrait de l’apparition des troubles dépressifs et anxieux en cours de grossesse, ainsi que les patterns de traitements pharmaceutiques, de même que les issues de santé chez la mère et chez l’enfant associées à ces dimensions. Le potentiel d’impact sur la santé des enfants est important considérant le peu de données prospectives de qualité estimant les répercussions de la détresse psychologique maternelle périnatale sur les enfants. Le devis prospectif nous permettra de prendre en compte plusieurs facteurs potentiellement confondant et aussi d’évaluer la médiation de l’effet de la détresse psychologique par les traitements pharmacologiques.

IMPACT POTENTIEL SUR LA FORMATION D’ÉTUDIANTS

Dans le cadre de la réalisation de ce projet, il est prévu que 2 étudiant.e.s seront recruté.e.s. Un.e étudiant.e gradué.e de 2e cycle sera recruté.e pour réaliser l’objectifs 2. Un.e étudiant.e de 3e cycle sera recruté.e pour les objectifs 1, 3 et 4.

Aussi, étant donné la nature longitudinale des données, la possibilité de certaines variables de changer avec le temps (ex. traitements pharmacologiques) et la complexité des relations entre les variables étudiées, ce projet présente un grand potentiel d’apprentissage relatifs aux concepts et méthodes en épidémiologie.

EFFET DE LEVIER POTENTIEL

Le projet proposé représente une des premières étapes d’étude de cette cohorte qui sera suivie de l’évaluation de la détresse psychologique et suicidalité maternelle en postpartum et l’impact sur le développement de l’enfant à 18 et 30 mois. Il s’insère dans un vaste programme de recherche de la chercheure principale ciblant la détresse psychologique et le suicidalité en grossesse et en postpartum et leur impact sur la santé de la mère et de l’enfant qui fera l’objet d’une demande de financement chercheur-boursier Junior 2 aux FRQS. Le soutien de la Fondation des Étoiles contribuerait à favoriser le succès des demandes de financement qui viseront à financer les projets subséquents.

Informations

Chercheur.se principal.e

  • Amélie Boutin, Professeure département de pédiatrie, CHU de Québec – Université Laval

Collaborateur.trices

  • Emmanuel Bujold, CR CHU de Québec – Université Laval
  • Gina Muckle, CR CHU de Québec – Université Laval
  • Marie-Claude Geoffroy, McGill University & Douglas Research Center
  • Sylvana M Coté, École de Santé Publique, Université de Montréal & CHU Ste-Justine

Centre de recherche

  • Centre de recherche du CHU de Québec-Université Laval

Année

2023-2024

Axe(s) de recherche

  • Neurodéveloppement et santé mentale