Mesure et modulation des niveaux de GABA* préfrontal chez les adolescentes atteintes du trouble dysphorique prémenstruel (TDPM): une étude de validation de principe
2024
CONTEXTE DU PROJET
Le trouble dysphorique prémenstruel (TDPM) est un trouble de l’humeur sévère qui apparaît pendant la phase lutéale du cycle menstruel, affectant environ 1,2 à 6,4 % des femmes. Il se manifeste par une instabilité émotionnelle, une humeur dépressive, de l’anxiété et de l’irritabilité, entraînant une détresse significative.
Ce trouble affecte entre 20 000 et 90 000 jeunes filles et femmes au Canada. Ce nouveau projet, une première dans ce domaine, vise à explorer des approches thérapeutiques novatrices pour aider ces adolescentes, qui continuent bien souvent de souffrir du TDPM à l’âge adulte.
Le TDPM est fortement lié à une détérioration de la qualité de vie et constitue un facteur de risque important de pensées suicidaires et de tentatives de suicide.
Pour traiter le TDPM, on utilise souvent des inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (ISRS). Bien que ces médicaments soient efficaces, leur action pourrait ne pas se limiter à la sérotonine.
Une autre hypothèse concernant le TDPM est qu’il pourrait être lié à une substance appelée allopregnanolone (ALLO), dérivée de l’hormone progestérone. ALLO joue un rôle dans le système GABA* du cerveau. Les ISRS utilisés pour traiter le TDPM pourraient modifier la conversion de la progestérone en ALLO, influençant ainsi le fonctionnement du système GABA dans le cerveau.
* GABA (acide gamma-aminobutyrique) est un acide aminé et un neurotransmetteur important dans l’organisme. Il transmet des messages chimiques dans le cerveau à grande vitesse. Contrairement à d’autres neurotransmetteurs comme la sérotonine et la dopamine, le GABA est inhibiteur, ce qui signifie qu’il réduit l’activité du système nerveux central et agit comme un frein sur certains signaux cérébraux, tels que l’anxiété et l’hyperactivation.
Voici quelques éléments soutenant cette théorie :
- Les jeunes filles et les femmes atteintes de TDPM présentent des niveaux de GABA plus bas.
- Le GABA est réduit dans certaines zones du cerveau pendant les symptômes du TDPM.
- La sepranolone, un médicament qui bloque certains récepteurs GABA, aide à soulager les symptômes du TDPM.
Bien que les ISRS soient couramment utilisés, leur efficacité est parfois remise en question. Une approche ciblant directement le système neurostéroïde-GABA pourrait offrir une alternative prometteuse.
LE PROJET
Le projet de recherche porte sur le trouble dysphorique prémenstruel (TDPM), qui survient chez certaines femmes avant leurs règles et qui peut rendre les personnes très tristes, anxieuses, et même les empêcher de faire leurs activités quotidiennes normalement, comme aller à l’école. Ce projet explore une nouvelle façon d’aider ces jeunes filles et femmes en utilisant une technologie appelée la stimulation magnétique transcrânienne répétitive (rTMS). La rTMS fonctionne un peu comme un aimant qui envoie des impulsions dans le cerveau pour changer la façon dont il fonctionne.
L’étude proposée est une étude ouverte de faisabilité et de preuve de concept, impliquant 20 adolescentes de 14 à 18 ans atteintes de TDPM. Le diagnostic sera vérifié par l’évaluation des symptômes selon le DSM-5 sur deux cycles menstruels.
Les principaux critères d’évaluation seront la mesure des symptômes quotidiens, ainsi que des niveaux de GABA dans le cortex préfrontal dorsolatéral (CPFDL). CPFDL avant et après l’intervention rTMS. La rTMS sera administrée pendant la phase lutéale (période qui suit l’ovulation jusqu’au début des règles) de trois cycles menstruels, à raison de 37,5 minutes par séance, cinq jours par semaine, sur deux semaines consécutives.
Les hypothèses sont les suivantes :
- 1 – La SMTr à haute fréquence sur le DLPFC gauche une fois par jour, 5 jours par semaine pendant les deux semaines prémenstruelles réduira les symptômes du trouble dysphorique prémenstruel.
- 2 – Les niveaux de GABA dans la DLPFC augmenteront après l’intervention par SMTr.
L’objectif de cette étude de faisabilité est :
- D’utiliser la spectroscopie par résonance magnétique (SRM) pour mesurer la concentration de GABA dans le cortex préfrontal dorsolatéral (CPFDL).
- De tester la stimulation magnétique transcrânienne répétitive (rTMS)* pour réduire les symptômes du TDPM chez des adolescentes.
*rTMS stimulation magnétique transcrânienne répétitive : C’est une technique non invasive, reconnue pour sa sécurité, qui permet de générer des courants électriques ciblés dans le cerveau et d’induire des changements durables dans l’excitabilité corticale. Elle est déjà utilisée dans le traitement des troubles dépressifs majeurs, y compris chez les adolescents, et a été approuvée par Santé Canada en 2002 pour cette indication.
ORIGINALITÉ DU PROJET
Le projet vise à traiter la TDPM en ciblant directement le système GABAergique via la rTMS, une approche qui n’a jamais été utilisée à ce jour dans ce contexte.
De plus, l’utilisation de la MRS pour mesurer les niveaux de GABA permettra d’obtenir des données objectives sur les changements neurochimiques associés à la TDPM et à son traitement, permettant de vérifier l’hypothèse neurostéroïde-GABA.
Finalement, le projet cible spécifiquement les adolescentes, une population sous-étudiée dans la recherche sur la TDPM.
IMPACT POTENTIEL SUR LA SANTÉ DES ADOLESCENTES
Selon les estimations actuelles basées sur la prévalence, entre 20 000 et 90 000 adolescentes canadiennes souffrent de la TDPM, et plus de 300 000 femmes en âge de procréer en sont atteintes au Canada. À terme, ce projet de recherche pourrait potentiellement transformer la prise en charge de la TDPM chez les adolescentes en établissant une approche plus efficace que les traitements actuels, lesquels sont associés à des effets secondaires et à la stigmatisation reliée à la prise de médication antidépressive.
L’amélioration des symptômes de la TDPM contribuerait à une meilleure qualité de vie chez les adolescentes touchées, réduisant les absences scolaires et diminuant les risques de pensées suicidaires.
En somme, ce projet a le potentiel de fournir une intervention précoce et spécifique, favorisant la santé mentale et le bien-être des adolescentes, et posant les bases pour des approches thérapeutiques innovantes dans cette population
IMPACT POTENTIEL SUR LA FORMATION D’ÉTUDIANTS
Le projet présenté constitue amplement de travail pour la formation de deux étudiants gradués, en plus de fournir une occasion de stage à 1-2 étudiants de niveau baccalauréat. En participant à une étude de pointe utilisant la MRS et la rTMS, les étudiants et stagiaire pourront acquérir des compétences pratiques dans l’utilisation des techniques d’imagerie avancées, favorisant ainsi leur développement en tant que jeunes chercheurs dans le domaine de la neuroscience pédiatrique.
IMPLICATION DES PATIENTS-PARTENAIRES
Avec l’accord de ses parents/gardiens légaux, une jeune femme vivant avec la TDPM sera sollicitée pour conseiller les chercheurs dans la mise en place de l’étude et offrir une perspective personnelle quant aux éléments les plus importants de la TDPM, et les épauler dans l’élaboration de matériel de recrutement le plus pertinent possible les adolescentes. Une adolescente de 15 ans habitant Sherbrooke a déjà manifesté son intérêt pour ce rôle.
EFFET DE LEVIER POTENTIEL
La thématique de recherche est de toute évidence sous étudiée, touche un grand nombre de personnes, en plus de s’inscrire à la jonction de la pédiatrie, de la neuroscience clinique et de la santé de la femme. Ce financement contribuera à l’obtention de données pilotes pour une demande éventuelle aux IRSC, en plus de cimenter la collaboration entre deux laboratoires du CRCHUS et CRHSJ par la conduite du projet et la supervision d’étudiants.
Informations
Chercheur.se principal.e
- Pr Hugo Théôret, Centre de recherche CHU Sainte -Justine
- Pr Jean-François Lepage, Centre de recherche CHU de Sherbrooke
Collaborateur.trices
- Pre Samatha Côté, Centre de recherche CHU de Sherbrooke
Centre de recherche
- Centre de recherche du CHU de Sherbrooke
Année
2024
Axe(s) de recherche
- Neurodéveloppement et santé mentale